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Demonia

Nazanin Pouyandeh

Nazanin Pouyandeh
"Déesse de miséricorde"
Détail
Comme une représentation d'une soirée Démonia.

Depuis le temps que j'entendais parler des soirées Demonia, j'avais bien envie d'y participer surtout que les apéros libertins me laissaient sur ma fin. Paris et la démesure libertine, vous repasserez. Je m'amusais bien mieux à l'Eden à Lille. Alors quand mon ami m'annonçait sa participation, j'ai pris un billet. Ça ne va pas te déranger ? Au contraire, il me donna de précieux conseils.

Une soirée Demonia, c'est d'abord la préparation. Rêver sa tenue. Parcourir les sites marchands de cuir, wetlook, vinyle. Et comme le thème était l'Asie, c'était aussi s'inspirer des manga, shibari, sumotori, geisha. J'avais bien mes plates-formes japonisantes, mes chaînes pince-tetons et un string en wetlook de chez Demonia mais ça me semblait un peu léger. Je suis quand même pudibonde et frileuse... et vieille. Les seins qui tombent, il faut reussir à assumer. Regarder c'est bien. Être le spectacle, c'est mieux. Autant être à son avantage.

La boutique Demonia me faisait de l'oeil avec son body zippé en wetlok mais la taille était trop grande. Je me suis rabattue sur les bas lasérés. Chez Bonprix je trouvais une robe style body, zipée et agrémentée d'une jupette. Parfait. J'optais pour mes bottes noires qui me permettaient d'avoir chaud et être dans un confort agréable car habituel, la petite robe, le string où je passais la chaîne pour aggriper les bas, un gros bracelet noir et mes attaches au lit à barreaux en guise de bracelet de force. Xena la guerrière était dans la place. La coiffure bof, le maquillage, je ne sais pas faire. Je colle donc sur un masque de chat en carton, un morceau de collant noir abîmé. Me voilà masquée. Catwoman est prête à dézipper la robe. Dans ma ville, je tombe nez à nez avec un peignoir kimono à grosses fleurs que finalement je ne mettrais pas. Le dress code porte sur la matière fetish en bas. Pas de fioritures.

 

À 20 heures pile poil, je stationne en face de l'endroit où se trouve la soirée, au Palais de Tokyo. Avec mon ami, nous allons dîner avant de faire la queue pour rentrer dans le lieu où va se dérouler la plus géniale des soirées, du moins je l'espère. Je suis allée voir le film Babylone quelques jours auparavant et j'imagine très bien la soirée comme la scène longue au début du film, un lieu où libres, les gens se plaisent à se dénuder, à s'exhiber, à vivre leur vie, leur liberté. Je rêve d'être nue et de danser jusqu'au bout de la nuit. Bon, en même temps, j'espère pouvoir oser. Nous faisons un bout de queue très longue et regrettons quelque part de n'avoir pas pensé à nous habiller dans la voiture pour pouvoir rentrer plus vite mais finalement tout le monde fait la queue habillé ou pas. Elle s'étire sur plusieurs mètres en zigzag. Puis finalement, ça avance plus vite. Un videur me fait même passer devant tout le monde et me sépare de mon ami. À l'entrée on vérifie mon billet et on me dit que j'ai plusieurs tickets. "Où sont les autres personnes ?" J'ai dû recevoir des tickets gratuits avec la tenue commandée sur Demonia mais je ne m'en suis pas aperçue. Dommage, j'aurais pu peut-être vous en faire profiter. (Oui je me mets à écrire au lecteur comme Pierre Lemaître). Une fois à l'intérieur on vérifie à nouveau mon billet, si je n'ai pas de bombe dans mon sac, on me dit de prendre des tickets pour les boissons, un pour le vestiaire et récupérer un sac poubelle où je vais entreposer mes affaires. D'accord. J'arrive dans un dédale de couloirs et au bout de l'un d'entre eux, une petite salle où sont alignées des chaises. Certains sont déjà en train de s'habiller et se déshabiller. Certains sont nus, certains discutent entre eux. Je me retrouve seule et finalement j'ose commencer à me déshabiller. Certains déballent un carton d'où ils sortent des vêtements en wetlook, ils n'ont même pas essayé leur tenue avant et laissent tout en plan. Les cartons sont ouverts, ça vient de Demonia. Etrange. J'ai passé un temps fou à choisir, à commander, à essayer la tenue. Il suffirait d'un accroc ou que la taille ne sied pas, non là les gens déballent leurs achats et se préparent, laissant les emballages sous les chaises. pas très glamour. Un jeune homme explique à un autre comment ça va se passer. J'écoute mais je suis déjà renseignée. Ça me rassure de n'être pas la seule néophyte. Je me mets nue et enfile ma tenue. J'ajuste mon masque et regrette l'absence de miroir. Je ressens ce que peut ressentir une danseuse du Crazy Horse se préparant avant d'entrer sur scène, sans aucune sensualité dans la lumière crue. L'ambiance du vestiaire est froide. Personne ne se regarde, même en coin. Je ressors de la petite salle et me trouve nez à nez avec mon ami qui est arrivé enfin dans la salle adjacente. Il s'habille, je l'aide un peu et je le caresse. il m'admire, il est mon miroir, il me trouve très bien, vraiment très bien oui je le sais, le miroir de la maison m'a flattée même si les miroirs connus sont toujours flatteurs. Il est plus difficile de se trouver correcte devant un miroir étranger. Je vois à peine avec mon chat et c'est très bien, je flotte comme dans un rêve.

Nous allons vers le vestiaire, donnons nos sacs poubelles liés, pas glamglam, nous avons un numéro, j'ai peur de le perdre, je le donne à mon ami qui le cache dans une poche de son kimono d'où il sortira plus tard des accessoires pour me fesser. Le garçon très sympa du vestiaire me note le chiffre sur ma main au cas où. J'aperçois la salle de cinéma qui leur sert de rangement où les fauteuils rouges sont tentants. Nous passons l'entrée finale où notre tenue est vérifiée. Mon ami fait réagir le passeur avec son kimono en tissu. Où est le wetlook de rigueur ? Après l'exhibition de son tiny short en vinyle qui déclenche le rire du passeur nous entrons. Sésame ouvre-toi. Peut-être que ceux qui déballaient leur carton ont été refoulés et ont dû acheter un sauf-conduit à l'accueil, cette pensée m'effleure soudain.

Nous continuons vers l'autre pièce, guidés par une musique techno. Les gens dansent, boivent, papotent entre eux. Un défilé est en train de se dérouler sur la piste un peu plus en hauteur. J'entraîne mon ami de l'autre côté de la piste et je me mets à danser, c'est pour ça que je suis venue, l'envie était là de faire la fête, il ne faut pas rater une seconde de cette soirée.

Sur le promontoire, un homme trapu se déshabille peu à peu, il enlève ses liens, ses vêtements, il se montre mastoc, rien n'est vulgaire. Rien. Tout est beau. Plus tard, il enfiler des bois de cerf. Ses prestations font fureur. Se succèdent les numéros des artistes les uns après les autres. Des dames sur échasses se promènent parmi les spectateurs. Pour un prochain numéro, j'aimerais bien moi aussi monter sur scène. Après tout pourquoi pas. J'aimerais bien montrer ma robe aux autres : regardez comme ma robe se dézipppe, regardez mes petites fesses apparaître au-dessus des bas laserés. T'as vu mes chaînes ?

Mon ami m'entraîne vers des salles un peu obscures où se déroulent des scènes physiques mais il fait froid, les murs sont glacés et les courants d'air soufflent dans ces couloirs. J'aimerais bien m'asseoir ou grimper sur mon ami, le caresser. Mais c'est quand même compliqué avec ce froid, ce n'est pas top. La porte est ouverte vers une salle pour les fumeurs à l'extérieur, nous n'irons pas au grand dam de mon ami qui veut tout voir. Mais je le frustre, c'est une soirée sadomaso (je fais Sado). Nous faisons deux trois fois le tour de ces salles. suivons le parcours dans les couloirs où actent beaucoup de fétichistes de pied. Nous regardons de-ci de-là, attendons notre tour pour goûter au plaisir des caresses mais nous serons boudés, repartons vers la salle principale. Nous buvons un jus d'ananas sagement car tout passe par le jus d'ananas, je vous le recommande. Me voilà encore en train de faire du Pierre Lemaitre ! Le jus d'ananas donne un bon goût aux fluides. Il faut le boire pendant trois jours avant de donner son corps à léchouiller. Après notre jus d'ananas, nous buvons une coupe de champagne car nous avons beaucoup trop de tickets. J'aurais bien aimé manger un petit croque-monsieur, non pas croquer le monsieur à côté de moi mais un vrai croque avec du pain, du fromage, du jambon, quelque chose qui me sustente car ça fait déjà quelques heures que je suis à l'intérieur, que je danse, que je tourne, que je bois. Je fais couler un peu de champagne entre mes seins et mon ami en profite pour dézipper la robe et lécher le tracé du champagne ; j'en ris encore c'est bon. Il me présente ses amies, très sympas, des coquines mais nous ne tentons rien à plusieurs, il manque quand même des canapés, des coussins, des choses par terre. L'année prochaine, je me promets de rapporter un coussin, un grand où je plongerai dedans et j'entraînerai les autres.

Nous regardons un peu de shibari mais j'ai déjà fait (voir "Corps à cordes" à ce sujet), là ça me laisse un peu froide, les femmes pleurent, je n'aime pas ça, c'est vrai que le Shibari crée des émotions. Des spectateurs déambulent totalement wetlookés, cagoule sur la tête, méconnaissables, exhibant leur tenue sublime. C'est peut être Brigitte incognito, je souffle a mon ami. Plus tard, ce vilain me dira que c'était peut-être Laurent Lafitte le policier libertin de "De l'autre côté du periph" que j'affectionne particulièrement pour la scène en club échangiste. Han je n'y ai pas du tout pensé.

Des femmes se font aussi fouetter et battre, les hommes aussi, certains se promènent en tirant les autres par le nez ou avec des chaînes, les faisant se trainer sur le sol. Ce n'est pas mon truc d'avoir mal. Je préfère caresser le short de mon ami et sentir sa queue entravée par le vinyle. Pourquoi donc je n'aime pas avoir mal, j'ai déjà mal d'avoir froid même si là je suis réchauffée avec le champagne et la langue de mon ami sur mes seins et sa main dans ma culotte, oui j'ai oublié de vous le dire, il a sa main dans ma culotte. Tant pis si j'interpelle le lecteur comme Pierre Lemaitre. La soirée est bonne. Très bonne.

 

Le masque. Miaou.

Le masque. Miaou.

La tenue. Tu aimes ?

La tenue. Tu aimes ?

Quelques photos de la nuit Demonia au Yoyo, Palais de Tokyo, 2023



21/03/2023
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